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La préparation du budget pour l’année 2025 reste suspendue à la formation du nouveau gouvernement de Michel Barnier, qui aura la tâche de reprendre l’ébauche laissée par les ministres démissionnaires, avant de transmettre le projet de loi au Parlement. Le circuit d’examen de ce texte majeur accuse cependant plusieurs semaines de retard par rapport au calendrier habituel, qui voudrait que le Haut Conseil des finances publiques donne son avis à la mi-septembre.
Le gouvernement doit présenter au Parlement le budget, qui doit être définitivement adopté avant la fin de l’année pour permettre à l’Etat et aux administrations de fonctionner à partir du 1er janvier. En l’absence de budget voté et publié au 31 décembre, donc de moyens accordés, les administrations publiques seraient dans l’impossibilité de rémunérer les fonctionnaires, de payer les fournisseurs de l’Etat, les factures… Cette situation ne s’est jamais produite dans l’histoire de la Ve République.
A côté de cet aspect primordial pour le fonctionnement de l’Etat, François Ecalle, fondateur de Fipeco, un site d’information sur les finances publiques, soulève une série d’enjeux macroéconomiques, qui relèvent de « la politique économique des finances publiques ». La cohérence vis-à-vis des objectifs du programme de stabilité, le respect des règles budgétaires fixées par l’Union européenne ou encore l’inquiétude des marchés financiers vis-à-vis de la dette du pays sont autant d’éléments que le gouvernement doit intégrer. Il précise qu’avec « les nouvelles règles budgétaires européennes, on devrait faire un effort de redressement de nos comptes publics, soit en limitant nos dépenses, soit en augmentant les impôts, de l’ordre d’une quinzaine de milliards par an, pendant cinq à sept ans ». L’équation complexe consiste à faire adopter un budget par l’Assemblée nationale et le Sénat tout en sachant « rassurer nos créanciers et nos partenaires européens ».
La préparation du budget s’inscrit dans un processus de préparation enclenché dès le printemps. La loi organique relative aux lois de finances (LOLF, qui est l’équivalent de la « Constitution financière » de l’Etat) prévoit que le gouvernement présente aux parlementaires, avant le 15 juillet, une première évaluation des dépenses engagées pour l’année à venir.
Avant d’être proposé à l’Assemblée nationale, le projet de loi de finances (PLF) est soumis au Haut Conseil des finances publiques, pour avis sur la « cohérence du projet de loi, (…) ainsi que [sur] le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses du projet de loi », et au Conseil d’Etat, qui vérifie les évaluations financières de chacun des articles. Le projet doit ensuite être présenté en conseil des ministres avant d’être remis à l’Assemblée nationale, au plus tard le premier mardi d’octobre (soit le 1er octobre cette année).
Les parlementaires disposent d’un délai de soixante-dix jours au maximum pour examiner, amender et voter le texte, qui peut encore ensuite être soumis au Conseil constitutionnel sur saisine d’un groupe de députés ou de sénateurs afin d’évaluer la conformité des mesures du PLF avec la Constitution.
La loi doit être promulguée et publiée au Journal officiel au plus tard le 31 décembre pour que les crédits puissent être engagés à partir du 1er janvier.
En raison de la dissolution de l’Assemblée nationale, puis de la démission du gouvernement Attal, le 16 juillet, le calendrier théorique a déjà été bousculé. Le document contenant les premiers éléments budgétaires et faisant état des dépenses envisagées, appelé le « tiré à part », n’a pas été transmis aux parlementaires à la mi-juillet : un document contenant ces informations a été transféré aux parlementaires le 2 septembre, après les menaces du président et du rapporteur de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Eric Coquerel (La France insoumise, LFI) et Charles de Courson (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, LIOT), de venir les chercher eux-mêmes à Bercy.
Avant la nomination du nouveau premier ministre, Michel Barnier, le gouvernement démissionnaire étudiait la possibilité de décaler de quelques jours la transmission du PLF au Parlement, en passant outre les délais de la LOLF. En s’appuyant sur la Constitution, qui prévoit un délai d’examen de soixante-dix jours au Parlement plus cinq jours par le Conseil constitutionnel, « on peut ainsi déposer un budget une semaine, voire quinze jours après le 1er octobre », avançaient deux sources concordantes au sein de l’exécutif.
Même en s’accordant un délai supplémentaire, le futur gouvernement Barnier n’a plus beaucoup de temps pour remodeler en profondeur le budget par rapport au projet de l’équipe démissionnaire. En revanche, il peut déposer le texte en l’état, afin qu’il soit présenté au Parlement en temps voulu, et dans un second temps, modifier le texte par amendements. Le gouvernement a, en effet, toute latitude pour ajouter des dépenses ou des coupes budgétaires, des hausses ou des baisses d’impôts…
Les parlementaires, en revanche, sont très limités dans leurs propositions d’amendement du budget ; selon l’article 40 de la Constitution, ils ne peuvent avoir pour conséquence ni d’augmenter les dépenses, ni de baisser les ressources.
Une fois finalisé, le PLF doit ensuite être voté par la majorité des parlementaires. Si ce n’est pas le cas, le gouvernement pourrait avoir recours à l’article 49.3. Mais il faudrait composer avec les équilibres politiques à l’Assemblée et une probable motion de censure, qui, si elle était adoptée par une majorité de députés, conduirait au rejet du texte et à la démission du gouvernement. Le député du Rassemblement national (RN) Jean-Philippe Tanguy a affirmé jeudi que son groupe voterait une motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier en cas d’augmentation des impôts.
D’autres mécanismes prévus par la Constitution peuvent être invoqués par le gouvernement pour faire passer le texte : l’article 47 prévoit ainsi deux éventualités.
Dans le cas où les débats parlementaires s’enliseraient au-delà de soixante-dix jours sans aboutir à un vote, le gouvernement peut reprendre la main et appliquer les dispositions de son projet de budget par ordonnance. Cette configuration ne s’est jamais présentée dans l’histoire de la Ve République.
Enfin, si le PLF n’est pas adopté avant la fin de l’année, le gouvernement peut demander par une loi spéciale à continuer de prélever les impôts et ouvrir des crédits, à hauteur du dernier budget voté. Cette disposition pourrait être envisagée dans la configuration où l’exécutif n’arriverait pas à trouver de majorité sur le texte et disposerait d’un calendrier trop court pour présenter un nouveau projet et le faire voter avant la fin de l’année. Encore faut-il que cette loi spéciale soit votée avant la fin de l’année par le Parlement.
Cette disposition a déjà été activée au cours de la Ve République, notamment en 1979 pour le budget de 1980, après que le Conseil constitutionnel a censuré l’intégralité de la loi de finances à la fin de décembre (pour une raison de forme) : le Parlement a voté dans les derniers jours de l’année cette loi spéciale autorisant à lever l’impôt.
Dans un cas extrême, certains constitutionnalistes envisagent la possibilité de recourir à l’article 16, qui octroie au président de la République des pouvoirs exceptionnels à titre temporaire en cas de « menace grave et immédiate » portant notamment sur « l’exécution de ses engagements internationaux » (comme la nécessité de présenter un budget à l’Union européenne, par exemple) ou d’« interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels » (si aucune dépense ne permet d’assurer le fonctionnement de l’Etat).
Romain Imbach
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